mardi 9 novembre 2010

Le protocole additionnnel de "Nagoya-Kuala Lumpur", un compromis sans ambition...

Dans le cadre de la dernière Conférence des parties à la Convention sur la Biodiversité tenue à Nagoya, le Protocole de Carthagène (adopté en 2000 à Montréal) a été enrichi ce 15 Octobre 2010 par un nouveau texte qui reconnait la responsabilité des opératuers en cas de dommage lié aux Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Il aura fallu six longues années d'âpres négociations pour voir naître le protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur. Ce dernier met en oeuvre l'article 27 du Protocole de Carthagène, lequel prévoit l'élaboration de règles et de procédures internationales pour l'engagement de la responsabilité et la réparation lors de dommages à la biodiversité causés par des mouvements d'Organismes Vivants Modifiés (OVM).
Quelques précisions sur le protocole de Cathagène s'avèrent nécessaires avant d'appréhender les lacunes de son protocole additionnel :
Le Protocole de Carthagène a été ratifié par 160 Etats mais pas par trois les principaux producteurs d'OGM dans le monde que sont : les Etats-Unis, le Canada et l'Argentine. Ce protocole prévoit que les opérateurs (c'est à dire les metteurs sur le marché, les producteurs, les exportateurs, importateurs et transporteurs) seront tenus responsables, y compris financièrement, des mouvements d'OVM entre Etats et des dommages causés. Les opérateurs peuvent par ailleurs être tenus de prendre des mesures préventives lorsque des informations pertinentes montrent qu'il est plus que probable que surviendront des dommages si des mesures ne sont pas prises en temps opportun. Précisons que par OVM, le protocole de Carthagène entend : "toute entité biologique capable de transférer du matériel génétique, y compris des organismes stériles, des virus et des viroïdes".
Le protocole additionnel adopté à Nagoya est quant à lui issu d'un compromis entre deux "alliances": l'alliance industriels et principaux pays producteurs (avec en tête le Brésil), et l'alliance Organisations Non Gouvernementales et pays du Sud (avec en tête l'Afrique). Comme de coutume en matière de commerce international, les premiers souhaitaient un régime souple et basé sur le volontariat; tandis que les seconds demandaient un régime plus strict, plus respectueux de leurs marchés et fondé sur l'application du Principe pollueur/payeur.
Finalement, le texte adopté ne fait que préciser que les pays ayant subi un dommage lié à une importation d'OVM pourront exiger réparation par une procédure civile ou administrative. Il ne retient pas non plus la proposition faite par Green Peace de créer un Fonds international d'indemnisation, financé par un prélèvement sur les transaction d'OVM.
Comme le souligne Anne Furet (directrice d'Inf'OGM), "les objectifs ont été nettement revus à la baisse". Et en effet, le texte est décevant sur deux points clefs pour l'effectivité du dispositif :
  • Il n'y a pas eu d'entente sur l'obligation de garantie financière des entreprises, question clef pour l'efficacité du dispositif, la solvabilité d'un opérateur constituant une priorité pour la réparation des dommages causés.
  • La référence aux "produits dérivés" des OVM (comme par exemple les tourteaux de soja ou les farines de maïs OGM) n'a pas été retenue, ce qui restreint nettement le champs d'application dudit protocole additionnel.
Par ailleurs, se profilent déja des difficultés de mise en oeuvre :
Quels moyens pour les Suds ? : le protocole prévoit qu'il revient aux Etats d'apporter la preuve du dommage subi, ce qui suppose d'effectuer des contrôles lors de l'entrée de marchandises sur le territoire. Or, cela suppose un appareil administratif important, capacité dont ne disposent pas les Suds.
Une réparation limitée : le protocole limite la réparation aux "dommages importants, durables ou permanents, réduisant la capacité de la biodiversité à fournir des biens et services ou ayant un impact prouvé sur la santé humaine". Il est donc à prévoir que se poseront des problèmes de définition et d'expertise.

Les Etats ont laissé à la première réunion des Parties de ce nouveau Protocole le soin de demander au Secrétariat de préciser les modalités d’un mécanisme de sécurité financière. Encore faut-il pour cela attendre que le Protocole entre en vigueur (90 jours après avoir été ratifié par un minimum de 40 Parties) et que soit organisée la réunion des Parties. Cela laisse donc encore quelques années avant que ne soient précisées les modalités de la sécurité financière au niveau international et en attendant, ce sera aux États de bonne volonté de prendre ces mesures au niveau national... .
M.D




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