jeudi 19 novembre 2009

Deux Etats volontaires, un accord commun… et un véritable espoir pour Copenhague ?



Le 14 novembre 2009, les présidents français et brésilien ont présenté, à Paris, un texte commun introduisant les grandes lignes de l’accord qu’ils aimeraient proposer lors du Sommet de Copenhague de décembre prochain sur le climat.

Reposant en réalité sur le « plan justice-climat » proposé à la fin du mois d’octobre 2009 par Jean-Louis Borloo, le ministre français de l’Ecologie, cet accord comporte différents points : le respect des recommandations du GIEC (une baisse de 25 à 40% des émissions de GES des pays riches d’ici 2020), un calendrier flexible pour les pays riches n’ayant pas entamé leurs réductions (les Etats-Unis étant implicitement visés), la décarbonation progressive (et dans un délai plus long que pour les pays riches) des économies des Etats émergents (les Etats du B(R)ICSAM), l’aide à l’adaptation et à un développement décarboné des pays pauvres, et enfin la création d’une Organisation Mondiale de l’Environnement (OME) qui serait calquée sur l’OMC et qui soutiendrait et contrôlerait les engagements des Etats.

Le Brésil ayant adopté un plan similaire, tout l’enjeu est désormais, pour la France et le Brésil, de convaincre et rassembler derrière eux, durant le mois qui nous sépare du Sommet de Copenhague, une majorité d’Etats afin d’isoler les Etats-Unis et la Chine, pour lesquels obtenir un accord contraignant dès le Sommet de Copenhague serait « irréaliste ». En d’autres termes, l’enjeu pour la France et le Brésil, mais également pour tous les autres Etats du monde, est de ne pas se laisser prendre en otage par les Etats-Unis et la Chine qui souhaitent une adaptation de l’agenda international à leurs propres agendas nationaux, et donc à leurs intérêts particuliers, qui sont assez semblables d’un point de vue environnemental. En effet, la stratégie des Etats-Unis et de la Chine n’est pas de rejeter catégoriquement un accord sur le climat, même contraignant (quoique…), mais il s’agit simplement de retarder cet accord, afin de gagner du temps pour s’adapter aux exigences d’un développement propre : les Etats-Unis comme la Chine visent les positions de leaders dans le secteur des énergies renouvelables (la Chine, par exemple, est l’un des premiers investisseurs de la planète en technologies propres), mais une réduction trop immédiate de leurs rejets de GES desservirait leurs intérêts économiques à court et moyen terme.


Mais comment parvenir à convaincre les Etats du monde d’isoler les Etats-Unis et la Chine pour les contraindre à accepter que le Sommet de Copenhague soit le tournant environnemental tant attendu ?

Tout d’abord, le « plan justice-climat » propose de mettre en place, au profit des pays pauvres, une taxe sur les flux financiers mondiaux, qui consisterait en un financement mécanique de l’aide, qui ne dépendrait donc plus seulement des fonds accordés par les pays riches (système dans lequel l’aide accordée variait en fonction de la bonne volonté des pays riches) ; ensuite, pour tenter de rallier l’Inde, il est proposé que l’aide soit accordée aux pays dont les émissions de GES sont inférieures à 2 tonnes par habitant et par an (celles de l’Inde étant de 1,2 tonnes, tandis que celles de la Chine avoisinent les 5 tonnes) ; enfin, la flexibilité de calendrier pour les pays riches qui n’auraient pas encore entamé leur réduction d’émissions de GES incite ces derniers à prendre part au processus… de sorte que la porte reste ouverte, notamment aux Etats-Unis.

C’est donc finalement un plan qui n’usurpe pas son nom qui est avancé par la France et le Brésil puisqu’il s’agit bien d’une « justice-climat », au sens où chacun est responsable de ses pollutions, mais reçoit une aide (financière ou sous forme de délai) afin qu’il puisse faire une transition progressive vers une économie plus décarbonée. C’est finalement une réaffirmation du principe de responsabilité commune mais différenciée avancée dans le Protocole de Kyoto, mais également un affinement de ce principe : les plus gros pollueurs sont définis en fonctions de leurs rejets et, à ce titre, doivent limiter leurs émissions, mais de façon réaliste (d’où la mise en place des mécanismes de flexibilité).

On constate que les pollueurs ne sont plus cités dans une liste pré-établie et n’ayant pas vocation à évoluer, mais qu’au contraire ils sont déterminés en fonction de leurs rejets de pollution. Aussi ce mécanisme est-il plus juste non seulement d’un point de vue environnemental, mais également d’un point de vue politique : les Etats émergents, et notamment la Chine, ne peuvent plus se classer au nombre des pays en développement et en tirer argument pour affirmer leur solidarité avec les Etats de ce groupe, car, finalement, les Etats émergents sont désolidarisés du groupe des Etats du Sud puisqu’ils sont responsables autant que victimes du changement climatique, tandis que les Etats non-émergents sont seulement victimes. Prétendre défendre les intérêts des pays pauvres à Copenhague est un mensonge pur et simple de la part d’Etats qui ne sont pas capables d’apporter des solutions de croissance verte aux pays en développement. A cet égard, ce sont bien les pays du Nord qui sont les seuls à pouvoir apporter, pour le moment, ce soutien aux pays en développement… Et c’est ce soutien qui est précisément mis en œuvre dans le « plan justice-climat » proposé par la France et le Brésil.


Il se pourrait donc fort bien que cette initiative de la France et du Brésil conduise à de réelles avancées environnementales lors du Sommet de Copenhague : le contenu du « plan justice-climat » étant véritablement équitable, il y a de forte chances que les Etats de tout bord se rassemblent pour le soutenir ; par ailleurs, il semble que la tournée mondiale commencée par la France et le Brésil pour promouvoir ce plan, et avec elle le spectre du nouveau jeu diplomatique mondial qui pourrait en émerger, ait fait réagir les Etats-Unis et la Chine puisque, le 17 novembre 2009, ces deux Etats ont annoncé qu’ils souhaitaient que le Sommet de Copenhague ne soit pas un accord partiel ni une déclaration politique, mais plutôt un accord avec « effet immédiat » !
Finalement, l’espoir renaît… Rendez-vous à Copenhague !

R. L.

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